bub’s | Decision 0013139

ANNULATION Nº 13139 C (DÉCHÉANCE)

American Franchise Marketing Limited, 207 Regent Street-3rd Floor, WB1 3HH London, United Kingdom (demanderesse),

c o n t r e

Ramón y Jordi Sala Mordillo, Consepció, 6 et 8, Igualda, Espagne (titulaires de la marque de l’Union européenne), représentés par Sugrañes Patentes y Marcas, Calle de Provenza, 304, Barcelona, Espagne (représentant professionnel).

Le 03/01/2018, la division d’annulation rend la présente

DÉCISION

1.        La demande en déchéance est partiellement confirmée.

2.        Les titulaires de la marque de l’Union européenne sont déchus de leurs droits sur la marque de l’Union européenne nº 3 642 501 à compter du 21/06/2016 pour une partie des produits contestés, à savoir:

Classe 3 :        Savons; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux et dentifrices, spécialement pour des animaux de compagnie.

Classe 18 :        Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d'autres classes à l’exception des produits pour animaux de compagnie ; peaux d'animaux; malles et valises; parapluies, parasols et cannes; fouets et sellerie.

Classe 25 :        Vêtements confectionnés, spécialement pour des animaux de compagnie.

3.        La marque de l’Union européenne reste enregistrée pour tous les produits restants, à savoir:

Classe 18 :        Produits en cuir et imitations du cuir non compris dans d'autres classes, à savoir produits pour animaux de compagnie.

4.        Chaque partie supporte ses propres frais.

REMARQUE PRELIMINAIRE

A partir du 01/10/2017, le Règlement (CE) n° 207/2009 et le Règlement (CE) n° 2868/95 seront abrogés et remplacés par le Règlement (UE) 2017/1001 (texte codifié), le Règlement délégué et le Règlement d’exécution (UE) 2017/1431, sujet à certaines dispositions transitoires. Toutes références aux RMUE, RDMUE et REMUE incluses dans cette décision devront être comprises comme faisant référence aux Règlements actuellement en vigueur, sauf stipulation contraire.

MOTIFS

La demanderesse a déposé une demande en déchéance de la marque de l’Union européenne nº 3 642 501 http://prodfnaefi:8071/FileNetImageFacade/viewimage?imageId=35617690&key=0c4146de0a84080539e7e257e9778946 (marque figurative) (la marque de l’Union européenne). La demande est dirigée contre tous les produits couverts par la marque de l’Union européenne, à savoir:

Classe 3 : Savons; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux et dentifrices, spécialement pour des animaux de compagnie.

Classe 18 : Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d'autres classes; peaux d'animaux; malles et valises; parapluies, parasols et cannes; fouets et sellerie, spécialement colliers pour animaux de compagnie.

Classe 25 : Vêtements confectionnés, spécialement pour des animaux de compagnie.

La demanderesse a invoqué l’article 58, paragraphe 1, point a), du RMUE.

RÉSUMÉ DES ARGUMENTS DES PARTIES

La demanderesse affirme que la marque européenne contestée n'a pas été sérieusement utilisée dans l’Union européenne en connexion avec tous les produits protégés dans les classes 3, 18, 25 pendant une période ininterrompue de cinq ans, et qu’il n'y a aucune raison pour sa non-utilisation.

Les titulaires de la marque de l’Union européenne déposent des preuves d’usage et affirment que la marque a été utilisée pour les produits concernés.

La demanderesse conteste les preuves d’usage et considère par exemple que les catalogues soumis en langues espagnole et française présentés dans le document 1, peuvent conduire à supposer que ces catalogues auraient pu être distribués au grand public en France et en Espagne. Cependant cette hypothèse est peu vraisemblable pour le Portugal car il n'existe pas de catalogue présenté comme tel destiné à être utilisé au Portugal.

Elle considère également que le premier volet de factures compris dans le document 2 a été émis à certains clients en France, au Portugal et en Espagne par une société dénommée « Curtits I Tallers Sala, S.L » et non par le titulaire, « M. Jordi Sala Mordillo » sans qu’il soit démontré comment ce premier a acquis les droits d'usage sur la marque contestée. La demanderesse souligne qu’aucun accord de licence, de transfert de droits ou de contrat de cession n’a été soumis en explication de cette relation commerciale. De plus, les factures soumises dans le document 2 ne mentionnent pas du tout le nom des titulaires.

Enfin, la demanderesse considère que dans le document 3, les factures ont été émises par le centre commercial « El Corte Inglés » en Espagne. Une analyse attentive de cette preuve révèle que les produits, leurs codes de produits et la liste de prix donnée par « Curtits I Tallers Sala, SL » à ladite succursale ne correspondent pas aux produits et aux prix mentionnés dans le deuxième volet de factures. Une lettre de M. Ramon Sala adressée au centre commercial de « Curtits I Tallers Sala, SL » explique avoir inclus 2 produits supplémentaires dans la liste mais que les code EAN de ces produits ne correspondent pas aux codes EAN mentionnés dans le deuxième volet de factures. En outre, la relation économique entre M. Ramon Sala, la société titulaire ou le centre commercial « El Corte Inglés » n’est pas démontrée de même que la façon dont ils ont acquis les droits d'utiliser la marque contestée. Le catalogue ne mentionne pas le titulaire ou la marque contestée. Les factures soumises dans le document 3 ne reflètent pas non plus la marque contestée.

De manière générale, la demanderesse considère que les éléments de preuve présentés ne reflètent que la commercialisation et la vente d'une partie seulement des produits de la classe 18 et il n'existe aucune preuve démontrant l'utilisation de la marque contestée pour tous les produits enregistrés en classes 3 et 25. En outre, les éléments de preuve présentés pour quelques articles en cuir de la classe 18 ne sont pas non plus concluants et convaincants. L’ensemble des preuves ne fournissent aucune information concluante sur la nature et l'étendue de l'exploitation des produits enregistrés en classes 3, 18 et 25.

Les titulaires rejettent l’ensemble des arguments, considèrent que la jurisprudence citée par la demanderesse n’est pas applicable au cas d’espèce. Ils répètent leurs arguments précédents.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Conformément à l’article 58, paragraphe 1, point a), du RMUE, les titulaires d’une marque peuvent être déchus de leurs droits, sur demande présentée auprès de l’Office, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

Il y a «usage sérieux» d’une marque lorsque celle-ci est utilisée conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits ou services. L’usage sérieux d’une marque suppose une utilisation effective de cette marque sur le marché des produits et services pour lesquels elle a été enregistrée, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque et des usages exclusivement internes (11/03/2003, C-40/01, Minimax, EU:C:2003:145, § 35-37, 43).

Il convient de prendre en considération, dans l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque, l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de son exploitation commerciale, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque (11/03/2003, C-40/01, Minimax, EU:C:2003:145, § 38). Cependant, la disposition exigeant l’usage sérieux de la marque «ne vise ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes» (08/07/2004, T-203/02, Vitafruit, EU:T:2004:225, § 38).

En vertu de l’article 19, paragraphe 1, du RDMUE en combinaison avec l’article 10, paragraphe 3, du RDMUE, les indications et pièces visant à apporter la preuve de l’usage portent sur le lieu, la durée, l’ampleur et la nature de l’usage de la marque pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée.

Dans les procédures en déchéance fondées sur le non-usage, la charge de la preuve incombe aux titulaires de la marque de l’Union européenne. En effet, on ne saurait attendre de la demanderesse qu'elle prouve une négation, à savoir que la marque n'a pas été utilisée au cours d'une période ininterrompue de cinq ans. Il incombe donc aux  titulaires de la marque de l’Union européenne de prouver l’usage sérieux au sein de l’Union européenne ou de présenter des motifs valables de non-usage.

Dans le cas présent, la marque de l’Union européenne a été enregistrée le 14/06/2005. La demande en déchéance a été déposée le 21/06/2016. Par conséquent, la marque de l’Union européenne avait été enregistrée depuis plus de cinq ans à la date de dépôt de la demande. Les titulaires de la marque de l’Union européenne devaient prouver l’usage sérieux de la marque de l’Union européenne contestée au cours de la période de cinq ans précédant la date de la demande en déchéance, soit du 21/06/2011 au 20/06/2016 inclus, pour les produits contestés suivants:

Classe 3 :        Savons; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux et dentifrices, spécialement pour des animaux de compagnie.

Classe 18 :        Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d'autres classes; peaux d'animaux; malles et valises; parapluies, parasols et cannes; fouets et sellerie, spécialement colliers pour animaux de compagnie.

Classe 25 :        Vêtements confectionnés, spécialement pour des animaux de compagnie.

Les titulaires de la marque de l’Union européenne ont présenté la preuve de l'usage le 23/09/2016.

Comme les titulaires de la marque de l’Union européenne ont sollicité de garder confidentielles certaines données commerciales contenues dans les preuves vis-à-vis des tiers, la division d’annulation ne décrira les preuves qu’en des termes généraux sans divulguer de telles informations, notamment en ce qui concerne les prix et les montants facturés.

Les éléments de preuve qui seront pris en considération se composent des documents suivants:

DOCUMENT Nº 1: Catalogues de produits Bub’s en Espagne et en France :

  • Pages d’un catalogue en espagnol (partiellement traduit) «Ofertas/Novedades » daté du 16 mars au 15 mai 2015. La marque BUB’s est mentionnée pour des colliers pour chats.
  • Pages d’un catalogue en français « CHADOG » daté printemps été 2015 et un autre daté 2014/2015. BUB’s est mentionné pour des laisses, des colerettes, des colliers, des muselières pour chiens. La marque figurative est également visible sur les produits et leur emballage :

 

  • Catalogue « Comercial Dog’ 2015- Comercial Dog del Vallés S.L., Barcelona » où figurent les colliers, laisses, colerettes, harnais et muselières dans une partie du catalogue intitulée BUB’s et BUBS’s Rainbow. Il existe également une référence à l’usage de la marque pour des pulls :
  • Catalogue « La Companyia » en espagnol présentant notamment une sélection de produits bub’s daté septembre/octobre 2014.

La marque figurative est apposée en bas de toutes les pages du catalogue et sur l’emballage de produits (colliers pour chats) :

 

DOCUMENT Nº 2: Factures où figure la marque  en en tête pour des colliers, laisses, harnais, muselières, pendant les années comprises entre le 2011-2016, émises à des clients en Espagne, France et Portugal.

DOCUMENT Nº 3: Documents en relation avec le Corte Inglés, centre commercial en Espagne :

  • Liste de prix bub’s datée 01/04/2014 avec références EAN et codes.
  • Lettre du 18/07/2012 envoyée au Corte Inglés pour clarifier à quoi correspondent les codes EAN (dans ce cas particulier de laisses bub’s pour chiens). Ces codes apparaissent également sur la liste de prix avec un prix différent mais en 2014.
  • Pages d’un catalogue du Corte Inglés daté du 26/11 au 05/01 (année non indiquée) où apparaissent des produits pour animaux de compagnie dont des harnais portant la marque BUB’S.

  • Factures commerciales avec en tête du Corte Inglés datées entre 09/2011 et 02/2016. La marque BUB’s est mentionnée à partir de la facture du 12/05/2015. Pour les factures précédentes, il est possible de vérifier les codes EAN correspondant aux produits susmentionnés.

Remarques préliminaires

Les cas de jurisprudence cités par la demanderesse sont des cas généraux cités pour illustrer comment doivent être appréciées les preuves d’usage. Si l’Office doit effectivement exercer ses pouvoirs conformément aux principes généraux du droit de l’Union européenne, tels que les principes d’égalité de traitement et de bonne administration, la manière dont ces principes sont appliqués doit être légale. Il convient également de souligner que chaque affaire doit être examinée sur le fond. L’issue d’une affaire donnée dépendra de critères spécifiques applicables aux faits de cette affaire, y compris, par exemple, les allégations des parties, leurs arguments et les documents présentés.

À la lumière de ce qui précède, il s’ensuit que la jurisprudence présentée par la demanderesse à la division d’annulation est respectée en ce que la présente décision applique les mêmes principes généraux dégagés par les différents arrêts cités, même si le résultat peut être différent.

La demanderesse avance que tous les éléments de preuve n’indiquent pas un usage sérieux en termes de temps, de lieu, de portée, de nature et d’usage pour les produits pour lesquels la marque de l’Union européenne contestée est enregistrée.

L'argument de la demanderesse repose sur une appréciation individuelle de chaque élément de preuve par rapport à tous les facteurs pertinents. Cependant, dans son évaluation de l’usage sérieux, la division d’annulation doit examiner la preuve apportée dans son intégralité. Même si certains éléments de preuve ne couvrent pas certains facteurs pertinents, il se peut que la combinaison de tous les facteurs pertinents dans tous les éléments de preuve indique bel et bien un usage sérieux.

La demanderesse conteste la preuve de l'usage présentée par les titulaires de la marque de l’Union européenne au motif que cette preuve n'émane pas des titulaires de la marque de l’Union européenne eux-mêmes, mais d'une autre entreprise.

Conformément à l’article 18, paragraphe 2, du RMUE, l’usage de la marque de l’Union européenne avec le consentement des titulaires est considéré comme fait par les titulaires.

Le fait que les titulaires de la marque de l’Union européenne aient produit la preuve de l'usage de leur marque par un tiers démontre implicitement qu'ils ont consenti à cet usage (08/07/2004, T-203/02, Vitafruit, EU:T:2004:225).

En conséquence, puisque l’on peut présumer que la preuve présentée par les titulaires de la marque de l’Union européenne indique implicitement que cet usage s’est fait avec leur consentement, la revendication de la demanderesse est non fondée.

Dans cette mesure, et conformément à l’article 18, paragraphe 2, du RMUE, la division d’annulation estime que l’usage fait par ces autres entreprises s’est fait avec le consentement des titulaires de la marque de l’Union européenne et équivaut par conséquent à un usage par les titulaires de la marque de l’Union européenne.

De plus, les titulaires démontrent dans leurs dernières observations qu’ils sont représentants de la société qui commercialise les produits Curtis i Tallers Sala, SL.

Appréciation de l’usage sérieux – facteurs

Durée de l’usage

Les preuves doivent indiquer un usage sérieux de la marque de l’Union européenne au cours de la période pertinente, à savoir du 21/06/2011 au 20/06/2016 inclus.

Les éléments de preuve de l’usage sont datés de la période pertinente (sauf le catalogue du Corte Inglés). Par conséquent, les éléments de preuve présentés par les titulaires de la marque de l’Union européenne contiennent suffisamment d’indications concernant la durée de l’usage.

Lieu de l’usage

Les preuves doivent démontrer que la marque de l’Union européenne a fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne (voir article 18, paragraphe 1, et article 58, paragraphe 1, point a), du RMUE).

Les factures montrent que le lieu de l’usage est la France, l’Espagne et pour quelque unes le Portugal. Les catalogues couvrent l’Espagne et la France. Cela peut être déduit de la langue des documents et des adresses sur les factures. Ces territoires représentent un marché significatif pour les produits au sein de l’Union européenne. Par conséquent, les preuves concernent le territoire pertinent.

Nature de l’usage: usage en tant que marque

Le facteur de la nature de l’usage exige, entre autres, que la marque de l’Union européenne soit utilisée en tant que marque, c’est-à-dire pour identifier l’origine et permettre au public pertinent de faire la distinction entre les produits et services de sources différentes.

Il est nécessaire, eu égard au nombre de marques enregistrées et aux conflits susceptibles de surgir entre elles, de ne reconnaître le maintien des droits conférés par une marque pour une classe donnée de produits ou de services que lorsque cette marque a été utilisée sur le marché des produits ou services de cette classe (15/01/2009, C-495/07, Wellness, EU:C:2009:10, § 19).

Il y a usage «pour des produits» lorsqu’un tiers appose le signe sur les produits qu’il commercialise, ce qui est le cas en l’espèce.

Nature de l’usage: usage de la marque telle qu’elle a été enregistrée

Dans le contexte de l’article 10, paragraphe 3, du RDMUE, la «nature de l’usage» nécessite également de prouver que la marque est utilisée telle qu’elle a été enregistrée, ou sous la forme d’une variante qui, en vertu de l’article 18, paragraphe 1, point a), du RMUE, n’altère pas le caractère distinctif de la marque de l’Union européenne.

Les éléments de preuve indiquent que la marque a été utilisée conformément à son enregistrement comme marque figurative http://prodfnaefi:8071/FileNetImageFacade/viewimage?imageId=35617690&key=0c4146de0a84080539e7e257e9778946directement apposée sur les produits ou leur emballage.

Importance de l’usage

En ce qui concerne l’importance de l’usage, la jurisprudence constante dispose qu’il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’usage global ainsi que de la durée de la période pendant laquelle la marque a été utilisée et de la fréquence de l’usage (par exemple, 08/07/2004, T-334/01, Hipoviton, EU:T:2004:223, § 35).

Selon la Cour, «il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépend des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant» (11/03/2003, C-40/01, Minimax, EU:C:2003:145, § 39).

Il n’est pas possible de déterminer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l’usage a ou non un caractère sérieux. Une règle de minimis ne peut, dès lors, être fixée. Ainsi, lorsqu’une marque a une réelle justification commerciale, un usage minime peut suffire pour établir l’usage sérieux (27/01/2004, C-259/02, Laboratoire de la mer, EU:C:2004:50, § 25, 27).

L’appréciation de l’usage sérieux implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement. De même, la portée territoriale de l’usage est seulement un des nombreux facteurs à prendre en compte, ainsi la portée territoriale limitée de l’usage peut être contrebalancée par un volume ou une durée de l’usage plus importante.

Bien que les preuves fassent état d’un volume commercial de l’usage qui n’est pas particulièrement élevé, ce volume montre l’usage de la marque de l’Union européenne surtout dans deux États membres, à savoir, France et Espagne et durant toute la période. Ceci est considéré comme étant suffisant pour être regardé comme un usage sérieux.

Usage pour les produits enregistrés

L’article 58, paragraphe 1, point a), du RMUE et l’article 10, paragraphe 3, du RDMUE imposent aux titulaires de la marque de l’Union européenne de démontrer l’usage sérieux pour les produits et services contestés pour lesquels la marque de l’Union européenne a été enregistrée.

La marque de l’Union européenne contestée a été enregistrée pour les produits précités en classes 3, 18 et 25. Cependant, les preuves présentées par les titulaires de la marque de l’Union européenne ne démontrent pas l’usage sérieux de la marque pour tous les produits pour lesquels elle a été enregistrée.

En vertu de l’article 58, paragraphe 2, du RMUE, si la cause de déchéance n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque contestée est enregistrée, les titulaires ne sont déclarés déchus de leurs droits que pour les produits ou les services concernés.

Selon la jurisprudence, l’application de la disposition susmentionnée doit tenir compte de ce qui suit:

«… si une marque a été enregistrée pour une catégorie de produits ou de services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou services n’emporte protection, dans une procédure d’opposition, que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée. En revanche, si une marque a été enregistrée pour des produits ou services définis de façon tellement précise et circonscrite qu’il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives à l’intérieur de la catégorie concernée, alors, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour lesdits produits ou services couvre nécessairement toute cette catégorie aux fins de l’opposition.

En effet, si la notion d’usage partiel a pour fonction de ne pas rendre indisponibles des marques dont il n’a pas été fait usage pour une catégorie de produits donnée, elle ne doit néanmoins pas avoir pour effet de priver le titulaire de la marque antérieure de toute protection pour des produits qui, sans être rigoureusement identiques à ceux pour lesquels il a pu prouver un usage sérieux, ne sont pas essentiellement différents de ceux-ci et relèvent d’un même groupe qui ne peut être divisé autrement que de façon arbitraire. Il convient à cet égard d’observer qu’il est en pratique impossible au titulaire d’une marque d’apporter la preuve de l’usage de celle-ci pour toutes les variantes imaginables des produits concernés par l’enregistrement. Par conséquent, la notion de «partie des produits ou services» ne peut s’entendre de toutes les déclinaisons commerciales de produits ou de services analogues, mais seulement de produits ou de services suffisamment différenciés pour pouvoir constituer des catégories ou sous-catégories cohérentes.»

En outre, les dispositions permettant de réputer la marque antérieure enregistrée pour la seule partie des produits et services pour laquelle la preuve de l’usage sérieux de la marque a été établie […] doivent être conciliées avec l’intérêt légitime dudit titulaire à pouvoir, à l’avenir, étendre sa gamme de produits ou de services, dans la limite des termes visant les produits ou services pour lesquels la marque a été enregistrée, en bénéficiant de la protection que l’enregistrement de ladite marque lui confère.

(14/07/2005, T-126/03, Aladin, EU:T:2005:288)

Dans la mesure où le consommateur recherche avant tout un produit ou un service qui pourra répondre à ses besoins spécifiques, la finalité du produit ou du service en cause revêt un caractère essentiel dans l’orientation de son choix. Ce critère est donc primordial dans la définition d’une sous-catégorie de produits ou de services (13/02/2007, T-256/04, Respicur, EU:T:2007:46, § 29).

La marque de l’Union européenne est notamment enregistrée en classe 18 pour :

Produits en ces matières non compris dans d'autres classes (cuir et imitations du cuir).

Il est clair que cette catégorie de produits est suffisamment vaste pour que l’on puisse distinguer en son sein différentes sous-catégories. Les éléments de preuve disponibles montrent que la marque de l’Union européenne contestée a été utilisée pour divers produits pour animaux de compagnie tels que des colliers, laisses, harnais, et muselières. Sur la base de la finalité des produits utilisés, la division d’annulation conclut que l’usage pour ces produits, qui relève de la catégorie générale produits en ces matières non compris dans d'autres classes (cuir et imitations du cuir), constitue un usage pour la sous-catégorie en classe 18 Produits en cuir et imitations du cuir non compris dans d'autres classes, à savoir produits pour animaux de compagnie.

Les colliers, laisses, harnais, et muselières n’étant pas litéralement couverts par les termes fouets et sellerie, il a été considéré préférable de les couvrir par la catégorie plus générale ci-dessus mentionnée.

L’unique preuve apportée pour illustrer l’usage de la marque pour des pulls rentrant dans la catégorie générale des vêtements confectionnés, spécialement pour des animaux de compagnie dans le catalogue Comercial Dog del Vallés est jugée loin d’être suffisante en terme de volume pour considérer qu’il y a un usage sérieux de la marque pour ces produits.

Pour le restant des produits, aucune preuve n’a été apportée.

Appréciation globale

Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une certaine constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (08/07/2004, T-334/01, Hipoviton, EU:T:2004:223, § 36).

Dans certaines circonstances, même des preuves circonstancielles telles que des catalogues mentionnant la marque, bien qu’elles ne fournissent pas d’informations directes sur la quantité de produits réellement vendue, peuvent suffire, par elles-mêmes, à démontrer l’importance de l’usage dans le cadre d’une appréciation globale (arrêts du 15/07/2015, T-398/13, TVR ITALIA, EU:T:2015:503, § 57-58; et du 08/07/2010, T-30/09, Peerstorm, EU:T:2010:298, § 42 et suiv.).

Dans le cas présent, la division d’annulation estime que l’usage sérieux de la marque contestée a été suffisamment démontré pour les facteurs pertinents, à savoir le lieu, la durée, la nature et la portée de l’usage, en tenant compte du principe d’interdépendance, pour une partie des produits.

Conclusion

Il ressort de ce qui précède que les titulaires de la marque de l’Union européenne n’ont pas démontré l’usage sérieux de la marque de l’Union européenne pour les produits suivants, pour lesquels ils doivent par conséquent être déchus de leurs droits:

Classe 3 :        Savons; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux et dentifrices, spécialement pour des animaux de compagnie.

Classe 18 :        Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d'autres classes à l’exception des produits pour animaux de compagnie ; peaux d'animaux; malles et valises; parapluies, parasols et cannes; fouets et sellerie.

Classe 25 :        Vêtements confectionnés, spécialement pour des animaux de compagnie.

Les titulaires de la marque de l’Union européenne ont démontré l'usage sérieux pour les autres produits contestés. Il n'est donc pas accédé à la demande en ce qui les concerne.

En vertu de l’article 62, paragraphe 1 du RMUE, la déchéance prend effet à la date de la demande en déchéance, c’est-à-dire au 21/06/2016.

FRAIS

En vertu de l’article 109, paragraphe 1, du RMUE, la partie perdante dans une procédure d’annulation supporte les taxes ainsi que les frais exposés par l’autre partie.

Conformément à l’article 109, paragraphe 2, du RMUE, dans la mesure où les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs ou dans la mesure où l’équité l’exige, la division d’annulation décide d’une répartition différente des frais.

Étant donné que l’annulation est confirmée pour une partie seulement des produits contestés, les deux parties ont succombé chacune sur un ou plusieurs chefs. Chaque partie doit donc supporter ses propres frais.

La division d’annulation

Catherine MEDINA

Jessica LEWIS

Frédérique SULPICE

Conformément à l’article 67 du RMUE, toute partie lésée par cette décision peut former un recours à son encontre. Conformément à l’article 68 du RMUE, le recours doit être formé par écrit auprès de l’Office dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la présente décision. Il doit être déposé dans la langue de procédure de la décision attaquée. En outre, un mémoire exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de cette même date. Le recours n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours de 720 EUR.

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