RESERVE DE DON CARLOS | Decision 2480617

OPPOSITION n° B 2 480 617

Bodegas Osborne S.A.U., Fernán Caballero, 7, 11500 El Puerto de Santa Maria, Cádiz, Espagne (opposante), représentée par Aguilar i Revenga, Consell de Cent, 415 5° 1ª, 08009 Barcelona, Espagne (mandataire agréé)

c o n t r e

Cave Amann SA, Industriestrasse 6, 9220 Bischofszell, Suisse (titulaire), représentée par Elzaburu, S.L.P., Miguel Ángel, 21, 28010 Madrid, Espagne (mandataire agréé).

Le 09/06/2017, la division d’opposition rend la présente

DÉCISION:

1.        L’opposition n° B 2 480 617 est accueillie pour tous les produits contestés.

2.        La marque internationale n° 1 212 677 se voit refuser toute protection en ce qui concerne l’Union européenne.

3.        La titulaire supporte les frais, fixés à 650 EUR.

MOTIFS:

L’opposante a formé une opposition à l’encontre de tous les produits visés par l’enregistrement international désignant l’Union européenne n° 1 212 677. L’opposition est fondée sur notamment l’enregistrement de la marque espagnole n° 2 964 246. L’opposante a invoqué l’article 8, paragraphe 1, point b), du RMUE.

RISQUE DE CONFUSION – ARTICLE 8, PARAGRAPHE 1, POINT b), DU RMUE

On entend par risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause, à condition de porter les marques en cause, proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. L’existence d’un risque de confusion doit être appréciée globalement en tenant compte de plusieurs facteurs interdépendants. Ces facteurs incluent la similitude des signes, la similitude des produits et services, le caractère distinctif de la marque antérieure, les éléments distinctifs et dominants des signes en litige et le public pertinent.

L’opposition est fondée sur plus d’une marque antérieure. La division d’opposition estime qu’il y a lieu d’examiner d’abord l’opposition par rapport à l’enregistrement de la marque espagnole n° 2 964 246 de l’opposante.

  1. Les produits

Les produits sur lesquels est fondée l’opposition sont:

Classe 33:        Boissons alcoolisées (à l'exception des bières).

Suite à une limitation acceptée par l’OMPI, les produits contestés sont les suivants:

Classe 33:        Vins d'Espagne à l'exception des vins de xérès (Sherry) et des vins de liqueurs.

Les vins d'Espagne à l'exception des vins de xérès (Sherry) et des vins de liqueurs contestés sont inclus dans la catégorie générale des boissons alcoolisées (à l'exception des bières) de l’opposante. Dès lors, ces produits sont identiques.

  1. Public pertinent – niveau d’attention

Le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou services en cause.

En l’espèce, les produits jugés identiques s’adressent au grand public. Le niveau d’attention est considéré moyen.

  1. Les signes

RESERVE DE DON CARLOS

Marque antérieure

Marque contestée

Le territoire pertinent est l’Espagne.

L’appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci (11/11/1997, C251/95, Sabèl, EU:C:1997:528, § 23).

Dans la partie supérieure de la marque antérieure, sont écrits en très petits caractères des mots espagnols et une date, à savoir « Casa Fundada en 1772 » qui signifient « Maison fondée en 1772 ». En plus d’avoir un caractère distinctif très faible puisqu’ils n’ont pour but que d’indiquer la longévité de l’entreprise et indirectement de suggérer le grand savoir faire de l’opposante, ces termes sont à peine lisibles. Leur impact est totalement marginal et, par conséquent, ils ne seront plus pris en considération pour la suite de la comparaison des signes.

Le blason de la marque antérieure dans sa partie supérieure n’est pas non plus très visible et a un caractère distinctif faible car il s’agit d’un élément habituel sur les bouteilles de boissons alcoolisées, d’autant plus que ses détails sont peu discernables et donc peu distincts de beaucoup d’autres blasons. L’autre blason placé au bas du même signe est de plus grande dimension mais ses détails ne sont pas non plus très clairs bien qu’on puisse y distinguer un cavalier. En tout état de cause, ces blasons ont une vocation essentiellement décorative et/ou de valorisation des produits de l’opposante, en particulier pour certaines valeurs qu’ils peuvent véhiculer, telles que l’élitisme et la supériorité, et qui sont associées par le public, de façon erronée ou pas, à l’aristocratie. Par ailleurs, ces blasons sont placés sur une étiquette qui a un caractère banal pour les produits concernés. Chacun de ces éléments, à savoir les blasons mais aussi l’étiquette, ont donc un caractère distinctif très limité.

L’élément « CARLOS » des deux signes est un prénom masculin espagnol qui sera compris comme tel par le public pertinent. Dans la marque antérieure, ce prénom en association avec le chiffre romain « II » sera perçu comme le nom d’un souverain ou, à tout le moins, d’un noble. De fait, Carlos II (appelé en français Charles II d’Espagne) fut Roi d’Espagne entre 1665 et 1700. Ces termes n’ont pas de signification en relation avec les produits en cause et sont donc distinctifs. Les éléments « CARLOS II » sont non seulement les éléments les plus distinctifs de la marque antérieure mais aussi les plus dominants en raison de leur taille, de leur position centrale et du contraste provoqué par la couleur foncée de ses caractères placés sur fond blanc.

Dans la marque contestée, le même prénom est précédé de « DON », qui est un mot espagnol qui marque le respect et qui, bien qu’actuellement son usage soit plus libre, à l’époque médiévale, il ne s’utilisait que pour les souverains, la noblesse et les plus hauts responsables ecclésiastiques. Cette possible référence du terme à la noblesse existe encore de nos jours puisque le roi actuel est souvent dénommé « Su Majestad el Rey [en français : Sa Majesté le Roi] Don Felipe VI » ou plus simplement « el Rey Don Felipe VI » ou même « Don Felipe VI ».

Les produits contestés sont des vins. Il est dès lors considéré que le public espagnol associera l’élément « RESERVE » de la marque contestée avec le mot espagnol « reserva » qui est un vin ou une boisson alcoolisée qui a vieilli en tonneau de chêne, en fût ou en bouteille pendant trois ans au minimum. L’utilisation du terme « reserva » est protégée en Espagne pour les vins ce qui n’est pas le cas du mot « RESERVE ». Toutefois, les consommateurs espagnols y percevront une référence, bien que moins fiable, aux garanties d’élaboration que suggère le terme. La préposition espagnole « DE » n’a pour but dans la marque que de relier le mot faible « RESERVE » avec les mots distinctifs « DON CARLOS » et par conséquent son impact est également moindre.

Sur le plan visuel, les signes coïncident au niveau de « CARLOS » qui est dominant dans la marque antérieure et distinctif dans les deux signes. Tous les autres éléments différencient les signes. Toutefois, la plupart d’entre eux, à savoir les blasons et l’étiquette de la marque antérieure et les termes « RESERVE DE » du signe contesté, ont un rôle secondaire ou un caractère distinctif limité. De plus, lorsque des signes sont constitués d’éléments à la fois verbaux et figuratifs, l’élément verbal du signe a, en principe, davantage d’impact sur le consommateur que l’élément figuratif. En effet, le public n’a pas tendance à analyser les signes et fera plus facilement référence aux signes en cause en citant leur élément verbal qu’en décrivant leurs éléments figuratifs (14/07/2005, T312/03, Selenium-Ace, EU:T:2005:289, § 37). Les principaux éléments différentiels sont donc le chiffre romain « II » de la marque antérieure et le terme « DON » du signe contesté.

En conséquence, les signes présentent un degré de similitude visuelle inférieure à la moyenne.

Sur le plan phonétique, sachant que les éléments purement figuratifs de la marque antérieure n’influencent pas la comparaison phonétique, les signes coïncident par les syllabes /CARLOS/ et diffèrent par le chiffre romain « II » de la marque antérieure prononcé « Segundo » et par les syllables /RESERVE/, /DE/ et /DON/ du signe contesté. Il y a lieu de rappeler que les éléments « RESERVE DE » du signe contesté ont un caractère distinctif faible et donc un impact limité.

En conséquence, les signes présentent un degré moyen de similitude phonétique.

Sur le plan conceptuel, il est fait référence aux affirmations précédentes concernant le contenu sémantique des marques. Étant donné que les signes seront associés à une signification analogue due à la présence commune du prénom « CARLOS » et d’une possible référence à un roi, ils présentent un degré moyen de similitude conceptuelle.

Dans la mesure où les signes présentent des similitudes au regard d’un aspect de la comparaison au moins, l’examen du risque de confusion sera réalisé.

  1. Caractère distinctif de la marque antérieure

Le caractère distinctif de la marque antérieure est l’un des facteurs à prendre en considération lors de l’appréciation globale du risque de confusion.

L’opposante n’a pas fait valoir explicitement que sa marque est particulièrement distinctive en raison de son usage intensif ou de sa renommée.

Par conséquent, l’appréciation du caractère distinctif de la marque antérieure reposera sur son caractère distinctif intrinsèque. En l’espèce, la marque antérieure dans son ensemble n’a de signification en rapport avec aucun des produits en cause du point de vue du public du territoire pertinent. Dès lors, le caractère distinctif de la marque antérieure doit être considéré comme normal, malgré la présence de certains éléments faibles dans la marque, ainsi qu’il est indiqué ci-dessus, à la section c) de la présente décision.

  1. Appréciation globale, autres arguments et conclusion

Les produits, jugés identiques, s’adressent au grand public dont le niveau d’attention est considéré moyen. Les signes sont similaires, visuellement à un degré inférieur à la moyenne, phonétiquement et conceptuellement à un degré moyen. Le caractère distinctif de la marque antérieure est considéré normal.

L’appréciation globale du risque de confusion implique aussi une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou des services. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits et services peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques et inversement (29/09/1998, C39/97, Canon, EU:C:1998:442, § 17). Dans le cas présent, l’identité des produits compense partiellement les différences existantes entre les signes.

Le risque de confusion désigne les situations dans lesquelles le consommateur confond directement les marques entre elles ou fait un rapprochement entre les signes en conflit et suppose que les produits/services désignés proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. En effet, il est tout à fait concevable que le consommateur concerné perçoive la marque contestée comme une sous-marque, une variante de la marque antérieure, configurée d’une manière différente selon le type de produits ou de services qu’elle désigne (voir arrêt du 23/10/2002, T104/01, Fifties, EU:T:2002:262, § 49).

Il est tenu compte du fait que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire (22/06/1999, C-342/97, Lloyd Schuhfabrik, EU:C:1999:323, § 26). Dès lors, le public pertinent pourrait ne plus se rappeler avec exactitude du chiffre romain présent dans la marque antérieure et associer les deux marques avec un des rois espagnols dénommés Carlos.

Enfin, il convient de garder à l’esprit le fait que les produits concernés sont des boissons et, que, celles-ci étant fréquemment commandées dans des établissements bruyants (bars, discothèques), la similitude phonétique entre les signes est particulièrement pertinente (15/01/2003, T99/01, Mystery, EU:T:2003:7, § 48, qui suit ce raisonnement).

En outre, le Tribunal a estimé que, dans le secteur des vins, les consommateurs décrivent et reconnaissent habituellement le vin en se référant à l’élément verbal qui l’identifie, en particulier dans les bars et restaurants, où les vins sont commandés oralement après que leur nom a été lu sur la carte des vins (23/11/2010, T35/08, Artesa Napa Valley, EU:T:2010:476, § 62; 13/07/2005, T40/03, Julián Murúa Entrena, EU:T:2005:285, § 56; 12/03/2008, T332/04, Coto d’Arcis, EU:T:2008:69, § 38). Dès lors, dans ce type de cas, il peut être pertinent d’attacher une importance particulière à la similitude phonétique entre les signes en cause. Ces considérations entrent en ligne de compte dans la constatation d’un risque de confusion.

Dans ses observations, la titulaire soutient que la marque antérieure a un faible caractère distinctif, si l’on considère qu’il existe de nombreuses marques comprenant le terme « Carlos ». A l’appui de son argument, la titulaire se rapporte à plusieurs marques enregistrées aux niveaux national, international et de l’Union européenne.

La division d’opposition remarque que la présence de plusieurs enregistrements de marques ne peut pas être un élément déterminant, étant donné qu’elle ne reflète pas nécessairement la situation du marché. Autrement dit, en se basant sur les données concernant le registre seul, on ne peut pas supposer que toutes les marques de la sorte aient été réellement utilisées. La division d’opposition poursuit que les preuves enregistrées ne démontrent pas que les consommateurs aient été exposés à un usage très répandu, et qu’ils se soient accoutumés à des marques comprenant « Carlos ». De plus, dans un grand nombre de ces marques, le terme « Carlos » est accompagné d’un nom de famille ce qui modifie substantiellement le rôle joué par cet élément dans l’ensemble du signe. Les marques de l’opposante font aussi partie de la liste fournie par la titulaire et celles-ci ne peuvent bien évidemment pas servir son propos. Dans ces conditions, les revendications de la titulaire doivent être rejetées.

À la lumière des éléments qui précèdent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.

L’opposition est dès lors fondée sur la base de la marque espagnole n° 2 964 246 de l’opposante. Il en résulte que la marque contestée doit être rejetée pour tous les produits contestés.

Étant donné que la marque espagnole n° 2 964 246 de l’opposante conduit à l’acceptation de l’opposition et au rejet de la marque contestée pour tous les produits contre lesquels l’opposition était formée, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres droits antérieurs invoqués par l’opposante (16/09/2004, T-342/02, Moser Grupo Media, S.L., EU:T:2004:268). Les preuves d’usage fournies par l’opposante ne doivent pas non plus être examinées puisque celles-ci n’étaient requises que pour les autres droits antérieurs en question.

FRAIS

Conformément à l’article 85, paragraphe 1, du RMUE, la partie perdante dans une procédure d’opposition supporte les frais et taxes exposés par l’autre partie.

La titulaire étant la partie perdante, elle doit supporter la taxe d’opposition ainsi que les frais exposés par l’opposante aux fins de la présente procédure.

Conformément à la règle 94, paragraphes 3 et 6 et à la règle 94, paragraphe 7, point d), sous i), du REMUE, les frais à rembourser à l’opposante sont la taxe d’opposition et les frais de représentation dont le montant est fixé dans la limité du taux maximal déterminé dans le REMUE.

La division d’opposition

Sandra IBAÑEZ

Benoit VLEMINCQ

Frédérique SULPICE

Conformément à l’article 59 du RMUE, toute partie lésée par cette décision peut former un recours à son encontre. Conformément à l’article 60 du RMUE, le recours doit être formé par écrit auprès de l’Office dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la présente décision. Il doit être déposé dans la langue de procédure de la décision attaquée. En outre, un mémoire exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de cette même date. Le recours n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours de 720 EUR.

Le montant déterminé lors de la répartition des frais ne peut être révisé que par une décision de la division d’opposition, sur requête. Conformément à la règle 94, paragraphe 4, du REMUE, la requête doit être présentée dans le délai d’un mois après la notification de la répartition des frais et n’est réputée présentée qu’après paiement de la taxe de réexamen de 100 EUR (annexe I A, paragraphe 33, du RMUE).

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