shoppi | Decision 2699976

OPPOSITION n° B 2 699 976

Carrefour SA, 33 avenue Emile Zola, 92100 Boulogne Billancourt, France (opposante), représentée par Novagraaf France, Bâtiment O2 – 2, rue Sarah Bernhardt, CS 90017, 92665 Asnières-sur-Seine, France (mandataire agréé)

c o n t r e

Telaron Sprl., Rue des Deux Gares, 124-C, 1070 Anderlecht, Belgique (demanderesse).

Le 24/03/2017, la division d’opposition rend la présente

DÉCISION:

1.        L’opposition n° B 2 699 976 est partiellement accueillie, à savoir pour les services contestés suivants:

Classe 35: Services d'administration commerciale pour le traitement de ventes réalisées sur Internet.

2.        La demande de marque de l’Union européenne n° 15 083 595 est rejetée pour les services précités. Elle peut être admise pour les autres services.

3.        Chaque partie supporte ses propres frais.

MOTIFS:

L’opposante a formé une opposition à l’encontre de certains des services visés par la demande de marque de l’Union européenne n° 15 083 595, à savoir contre une partie des services compris dans la classe 35. L’opposition est fondée sur l’enregistrement français n° 1 609 100. L’opposante a invoqué l’article 8, paragraphe 1, point b), du RMUE.

RISQUE DE CONFUSION – ARTICLE 8, PARAGRAPHE 1, POINT b), DU RMUE

On entend par risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause, à condition de porter les marques en cause, proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. L’existence d’un risque de confusion doit être appréciée globalement en tenant compte de plusieurs facteurs interdépendants. Ces facteurs incluent la similitude des signes, la similitude des produits et services, le caractère distinctif de la marque antérieure, les éléments distinctifs et dominants des signes en litige et le public pertinent.

  1. Les services

Les services sur lesquels est fondée l’opposition sont:

Classe 35: Services relatifs à la gestion et l'exploitation de magasins en général, notamment de magasins d'alimentation.

Les services contestés, après la limitation présentée par la demanderesse, sont les suivants:

Classe 35: Services d'administration commerciale pour le traitement de ventes réalisées sur Internet; Services en ligne de vente au détail proposant des vêtements.

Il convient de procéder à une interprétation des termes de la liste des services afin de déterminer l’étendue de la protection de ces services.

Contrairement à ce que prétend la demanderesse, le terme « notamment », utilisé dans la liste de services de l’opposante, indique que les services relatifs à la gestion et l'exploitation […] de magasins d’alimentation ne constituent qu’un exemple de magasins auxquels les services de gestion et d’exploitation pourraient être offerts, et que la protection n’est pas restreinte aux services de gestion et d’exploitation de magasins d’alimentation mais qu’elle s’étend également aux magasins en général. Autrement dit, le terme « notamment » annonce une liste d’exemples non exhaustive (voir l’arrêt du 09/04/2003, T-224/01, Nu-Tride, EU:T:2003:107).

Les facteurs pertinents concernant la comparaison des produits ou services incluent, en particulier, leur nature et leur destination, leurs canaux de distribution, leurs points de vente, leurs producteurs, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire.

S’agissant tout d’abord des services d'administration commerciale pour le traitement de ventes réalisées sur Internet contestés, il convient de relever qu’ils ont pour vocation d’aider les entreprises à exécuter des opérations commerciales. Ces services consistent à organiser le personnel et les ressources de manière efficace, ils permettent à une entreprise d’exécuter ses fonctions commerciales et ils sont généralement fournis par une entité distincte de l’entreprise en question.

D’autre part, les services relatifs à la gestion […] de magasins couverts par la marque antérieure dans la même classe ont pour vocation d’aider les entreprises à gérer leurs affaires en définissant la stratégie et/ou la direction à suivre de l’entreprise. Ils impliquent des activités associées à l’exploitation d’une entreprise, en l’espèce, un magasin, pour lesquelles la marque antérieure est également protégée (services relatifs à l’exploitation de magasins) telles que le contrôle, la conduite, la surveillance, l’organisation et la planification. Il s’agit de services habituellement proposés par des sociétés spécialisées dans ce domaine spécifique, telles que les cabinets de consultants auprès des entreprises. Elles recueillent des informations et proposent leurs outils ainsi que leur expertise pour permettre à leurs clients de mener leurs affaires ou encore pour fournir aux entreprises le support nécessaire pour acquérir, développer et augmenter leurs parts de marché.

La ligne de démarcation entre gestion des affaires commerciales et administration commerciale est floue et il est parfois très difficile de faire clairement la distinction entre les deux. Toutes les deux relèvent de la catégorie plus générale des services d’affaires commerciales. En règle générale, on peut dire que les services d’administration commerciale sont fournis afin d’organiser et de gérer une entreprise, tandis que la gestion des affaires commerciales suit une approche supérieure destinée à fixer les objectifs communs et le plan stratégique pour une entreprise commerciale.

Quoiqu’il en soit, étant donné que comme il ressort de ce qui précède, ces deux types de services correspondent tous deux à des services d’affaires commerciales, ils poursuivent des objectifs qui se recoupent et ils peuvent coïncider en termes d’origine habituelle, il existe nécessairement une certaine similitude entre eux.

Par conséquent, il convient de conclure qu’ils sont similaires.  

Les services en ligne de vente au détail proposant des vêtements contestés permettent aux consommateurs de satisfaire différents besoins d’achat de vêtements via internet et sont généralement destinés au consommateur en général.

À cet égard, il convient de noter que le Tribunal a estimé que l’objectif du commerce de détail est la vente de produits aux consommateurs, qui comprend, outre l’acte juridique de vente, toute l’activité déployée par l’opérateur en vue d’inciter à la conclusion d’un tel acte. Cette activité consiste, notamment, en la sélection d’un assortiment des produits proposés à la vente et en l’offre de diverses prestations qui visent à amener le consommateur à conclure ledit acte avec le commerçant en cause plutôt qu’avec un concurrent (arrêt du 07/07/2005, C-418/02, Praktiker, EU:C:2005:425, § 34).

Gardant en mémoire ce qui précède s’agissant des services relatifs à la gestion et l'exploitation de magasins en général, notamment de magasins d'alimentation couverts par la marque antérieure, il convient de relever que ces deux catégories de services diffèrent à tous égards.

En particulier, elles ont une nature différente (sélection de produits contre définition de stratégie, contrôle, conduite, surveillance, organisation et planification d’une entreprise), elles poursuivent des objectifs qui, bien qu’ils se recoupent, ne sont pas les mêmes (satisfaire différents besoins d’achat contre acquérir, développer et augmenter les parts de marché), elles ne sont généralement pas fournies par les même entreprises (détaillants contre auditeurs par exemple), ni même adressées au même public (professionnels contre consommateurs moyens). Enfin, ces deux catégories de services ne sont ni complémentaires ni en concurrence. Dès lors, il convient de conclure que ces services contestés sont dissimilaires aux services couverts par la marque antérieure.

  1. Public pertinent – niveau d’attention

Le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou services en cause.

En l’espèce, les services jugés similaires sont des services spécialisés, visant des clients professionnels ayant une expertise ou des connaissances professionnelles spécifiques.

Leur niveau d’attention est élevé (voyez, à cet égard, arrêt du 21/03/2013 T-353/11, eventer EVENT MANAGEMENT SYSTEMS, EU:T:2013:147, § 31 à 38).

  1. Les signes

shoppi

Marque antérieure

Marque contestée

Le territoire pertinent est la France.

L’appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci (11/11/1997, C251/95, Sabèl, EU:C:1997:528, § 23).

La marque antérieure est une marque figurative consistant dans l’élément verbal « shopi » écrit en minuscules dans une police de caractère stylisée. La marque contestée est une marque verbale consistant dans le mot « shoppi ».

Aucun des deux mots que forment les marques en cause n’a de signification du point de vue du public pertinent. Par conséquent, elles sont distinctives.

Les marques ne comportent aucun élément qui pourrait être considéré comme dominant (visuellement accrocheur). En revanche, eu égard à son caractère décoratif, la police de caractère dans laquelle est représentée la marque antérieure, est moins distinctive que l’élément verbal lui-même (voyez, par analogie, 15/12/2009, T-412/08, Trubion, EU:T:2009:507, § 45 et la jurisprudence citée).

Sur le plan visuel, les signes coïncident au niveau de « shop*i ». Toutefois, ils diffèrent au niveau de la lettre additionnelle « p » de la marque contestée, placée entre le « p » et le « i » de la marque antérieure « shopi ».

Dès lors que la marque contestée inclue toutes les lettres qui forment la marque antérieure dans le même ordre et que les seules différences entre les signes résident dans le doublement dans la marque contestée de la lettre « p » déjà présente dans la marque antérieure, et dans la police de caractère de la marque antérieure, il convient de conclure que les signes présentent un degré élevé de similitude visuelle.

Sur le plan phonétique, la prononciation des signes coïncide totalement puisque le doublement de la lettre « P » dans la marque contestée n’a aucune incidence au niveau phonétique pour le public français. En particulier, toutes deux seront prononcées /ʃɔpi/.

En conséquence, les signes sont identiques sur le plan phonétique.

Sur le plan conceptuel, aucun des deux signes pris dans leur ensemble n’a de signification pour le public du territoire pertinent. Etant donné que la comparaison conceptuelle n’est pas possible, l’aspect conceptuel n’a pas d’incidence sur l’appréciation de la similitude des signes.

Dans la mesure où les signes présentent des similitudes au regard d’un aspect de la comparaison au moins, l’examen du risque de confusion sera réalisé.

  1. Caractère distinctif de la marque antérieure

Le caractère distinctif de la marque antérieure est l’un des facteurs à prendre en considération lors de l’appréciation globale du risque de confusion.

L’opposante n’a pas fait valoir explicitement que sa marque est particulièrement distinctive en raison de son usage intensif ou de sa renommée.

Par conséquent, l’appréciation du caractère distinctif de la marque antérieure reposera sur son caractère distinctif intrinsèque. En l’espèce, la marque antérieure dans son ensemble n’a de signification en rapport avec aucun des services en cause du point de vue du public du territoire pertinent. Dès lors, le caractère distinctif de la marque antérieure doit être considéré comme normal.

  1. Appréciation globale, autres arguments et conclusion

L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou des services. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits et services peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques et inversement (29/09/1998, C39/97, Canon, EU:C:1998:442, § 17).

En l’espèce les services contestés sont en partie similaires et en partie dissimilaires aux services couverts par la marque antérieure. Dès lors que la similitude entre les services couverts par les marques en conflit est l’une des conditions d’application de l’article 8 paragraphe 1, point b), du RMUE, il ne peut y avoir de risque confusion pour les services en ligne de vente au détail proposant des vêtements.

Pour les services contestés d'administration commerciale pour le traitement de ventes réalisées sur Internet en revanche, tenant compte du fait qu’ils sont similaires aux services couverts par la marque antérieure, laquelle jouit d’un caractère distinctif normal ainsi que du fait que les marques en cause sont similaires à un degré élevé du point de vue visuel, identiques au plan phonétique et ne peuvent faire l’objet d’une comparaison conceptuelle, il convient de conclure à l’existence d’un risque de confusion.

En effet, même s’il fera preuve d’un degré d’attention élevé lors de la sélection des services en cause, le professionnel français est susceptible de ne pas remarquer les différences entre les signes, à savoir, la lettre additionnelle « P » de la marque contestée et la police de caractère de la marque antérieure.

L’opposition est dès lors partiellement fondée sur la base de l’enregistrement français de la marque de l’opposante.

Il résulte de ce qui précède que la marque contestée doit être rejetée pour les services jugés similaires à ceux de la marque antérieure.

FRAIS

Conformément à l’article 85, paragraphe 1, du RMUE, la partie perdante dans une procédure d’opposition supporte les frais et taxes exposés par l’autre partie. Conformément à l’article 85, paragraphe 2, du RMUE, dans la mesure où les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs ou dans la mesure où l’équité l’exige, la division d’opposition décide d’une répartition différente des frais.

L’opposition n’étant accueillie que pour une partie des services contestés, les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Par conséquent, chaque partie supporte ses propres dépens.

La division d’opposition

Carme SÁNCHEZ PALOMARES

Marine DARTEYRE

Zuzanna STOJKOWICZ

Conformément à l’article 59 du RMUE, toute partie lésée par cette décision peut former un recours à son encontre. Conformément à l’article 60 du RMUE, le recours doit être formé par écrit auprès de l’Office dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la présente décision. Il doit être déposé dans la langue de procédure de la décision attaquée. En outre, un mémoire exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de cette même date. Le recours n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours de 720 EUR.

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